Questions / Réponses avec Sylvie Lausberg, auteure de Madame S

Qui est cette intrigante Madame S ?

Ce personnage est intrigant car totalement différent de sa légende. Après la mort du président Faure dans ses bras, sa réputation ne tenait qu’à un fil. Dix ans plus tard, l’assassinat de sa mère et de son mari va la précipiter en prison. Malgré son acquittement, elle reste aux yeux de l’histoire, une figure maléfique, une manipulatrice vénale, lubrique et criminelle. Mes recherches ont démontré qu’il n’en était rien.

De quoi est-elle vraiment coupable ?

Son crime est beaucoup plus subtil que ce double assassinat irrésolu et son procès l’a démontré. Ce qu’on juge, c’est une femme libre, qui assume ses aventures extraconjugales, même si elle fait mine de s’en rependre devant ce jury d’Assises entièrement masculin. Avoir été trop proche du pouvoir, trop influente, indépendante, féminine et finalement trop intelligente, c’est cela sa faute. Et l’histoire ne le lui pardonnera pas.

En quoi le traitement "médiatique" de l'affaire Steinheil au début du XXe siècle est-il encore brûlant d'actualité ?

A l’époque, les premières générations formées à l’école de la République ont accès aux récents journaux populaires, qui ne coûtent qu’un sou. L’engouement pour les gazettes et les faits divers jouera un grand rôle dans sa descente aux enfers. Elle est Insultée, harcelée, traquée par les journalistes tout comme sa fille ; on pourrait faire un parallèle avec les réseaux sociaux et le déferlement de haine contre les femmes qui ne se conforment pas à la place qu’on leur assigne et qui « cassent les codes » comme on dit aujourd’hui.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce premier roman ?

J’ai rencontré ce personnage sur une photo prise au Palais de Justice au moment de son arrestation. Son allure et son regard disaient tout autre chose que les articles et les dizaines d’ouvrage écrits sur elle. Le fait que pendant plus d’un siècle, elle fut la femme la plus insultée de France a suscité une curiosité qui n’a fait que croître. Car chaque fois que je tirais un fil de son histoire, je suis allée de découverte en découverte. Un travail de fourmi, oui, mais terriblement passionnant !

Marguerite Steinheil, un modèle d'émancipation pour les femmes aujourd'hui ?

Je dirais plutôt un modèle de résilience face à cet acharnement à la réduire à une bête de sexe. Elle a vécu de nombreux drames, aurait pu être totalement anéantie et traumatisée. Alors la façon dont elle s’en est sortie force l’admiration. C’est une femme qui aimait la vie par-dessus tout et qui ne s’est pas laissée faire. Elle a damé le pion à ceux qui ont voulu sa perte parce qu’elle voulait décider pour elle-même, mener une vie confortable, être une femme épanouie et libre sexuellement. Et en cela oui, elle peut être un modèle d’émancipation.